Le Louxor dans la presse I.

L’inauguration du cinéma Louxor le 6 octobre 1921 fait l’objet de plusieurs articles ou entrefilets élogieux. Puis le Louxor est rarement évoqué dans la presse grand public. Puis, à partir des années 1970, les articles sont plus nombreux et se font le plus souvent nostalgiques. C’est l’époque où les cinémas de quartier ferment les uns après les autres et le Louxor fait partie des salles menacées. Dans ce cas précis, son architecture exceptionnelle, les efforts de ses directeurs pour attirer une nouvelle clientèle, lui valent des articles chaleureux de la part d’amoureux du patrimoine et du cinéma comme Francis Lacloche et Xavier Delamare dans Libération. Puis, à la suite du classement de ses façades et toitures à l’inventaire supplémentaires des Monuments historiques le 5 octobre 1981, la question est posée : que peut devenir le Louxor ? Quel projet est susceptible de le faire revivre ?

Articles 1921-1954

Le Peuple (organe de la CGT), 9 février 1921 (dénonce la démolition de l’immeuble de logement qui sera remplacé par le cinéma Louxor.)

6 octobre 1921 : inauguration de la « somptueuse salle Louxor »

Le Figaro, 6 octobre 1921
Le Rappel, 6 octobre 1921
Ciné-journal, 8 octobre 1921
Cinéa, semaine du 14 au 20 octobre 1921
Le Courrier cinématographique, 7 octobre 1921
Bonsoir, vendredi 7 octobre 1921
Bonsoir, dimanche 11 octobre (donne le programme détaillé de la soirée)
Le Courrier cinématographique, 29 octobre 1921, p. 33-34 (description des décors peints du Louxor)
La Cinématographie française, 7 février 1931 (photographie de la salle du Louxor après travaux par Pathé)

Pathé Magazine 1954, n° 8 et 10 (Rénovation de la salle)

I. Revue de presse 1977-2000

Les articles suivis de la mention FE proviennent du Fonds Eldorado conservé au Centre d’archives de la Cité de l’architecture et du patrimoine, 127, rue de Tolbiac, 75013 Paris.

Lumière de cinéma Mars 1977, « Les cinoches d’antan », par Anne-Marie Koenig.
Les Nouvelles littéraires, n° 2748, juillet 1980, « Chambres obscures en v.o. », par Claude Klotz. (FE)
Libération, 4 octobre 1980, « Le cinéma dans ses temples. Un art qui ne s’affiche plus » par Serge Toubiana. (FE)
Le Quotidien, 16 octobre 1980, « Les Salles obscures ont-elles une âme » (4), « Promenade à travers les derniers cinémas où l’on rêve ». Enquête Dominique Jamet, Martin Peltier, Charles Colson, Jean François Coulom. (FE)
Le Monde, 3 mai 1981, « Programme pour une solitude », par Alain Wais.(FE)
Libération , 4 octobre 1982, « Les salles mortes se ramassent à la pelle », par Xavier Delamarre et Francis Lacloche. (FE)
Libération , 9 novembre 1982, « Orient-Express », par Francis Lacloche.(FE)
Libération , 19 janvier 1983, « Les salles en péril », par Francis Lacloche. (FE)
Le Monde, 24 août 1983, « La romance du Louxor », par Colette Godard.(FE)
Le Parisien, 2 mars 1994, « Quel sort pour le Luxor [sic] ? », par Nathalie Segaunes.
Figaroscope 11 mai 1994, « Frémissement dans les salles », par Christophe Martin.
Le Jour n° 53 23 mai 1995, « Le triste sort du Louxor », par Claude Dupuich. 
Sites et Monuments n° 157 Avril-Mai-Juin 1997, « 10ème arrondissement », par G.P.Télérama 29 octobre 1997, « Si beaux et si inutiles ».
Paris Capitale 23 juin 1998, « Le Louxor : y-a-t-il un pharaon pour investir à Barbès ? »
Le Parisien 03 février 2000, « Le Louxor attire toutes les convoitises », par Laure Pelé.
Le Journal des Arts, n° 105, 19 mai 2000, « Un rêve égyptien », par Jean-François Lasnier
Le Parisien 25 mai 2000, « Le Louxor sera une salle de spectacles », par Laure Pelé. 26 mai 2000, « L’avenir du Louxor décidé », par Denis Ambrois
Le Parisien 14 août 2000, « Le commerce double les petites salles », par Florence Sterg

1977
– Mars 1977, Lumière de cinéma
Anne-Marie Koenig, « Les cinoches d’antan »
« Cinémas en ruine et en poussière, les salles bon marché gardent le bancal des lieux rafistolés, familiers à force d’usure, bien nichés dans leurs quartiers.
L’image souvent trouble, le son mauvais (même dans les comédies musicales du Delta), les sièges plus durs que des bancs publics, qu’ils soient de bois ou de velours comme ceux du Trianon ou de la Cigale, renforcent l’ambiance de foire. On arrive en cours de projection, on part quand l’envie enroule ses fourmis autour des chevilles, on garde un bout de béatitude pour le deuxième film, on amène son sandwich.
[…]
Certains lieux attirent par leur nom en promesses orientales ou étrangères. Ils s’appellent quelquefois palace ou Gloria, d’autres fois Bosphore, FarWest, Colorado, Trianon, Météor, ou Louxor. Le Louxor, ce nom en douce arabesque que l’on prononce comme on dit Loukhoum, je l’imaginais dans les couleurs mélangées et collantes des bocaux de bonbons. D’onctueux, le Louxor n’a que le nom. On y entre comme on attend aux feux pour traverser ce nœud bruyant de Barbès Magenta, carrefour préambule à l’entrée du cinéma. La salle déborde d’allées et venues bringuebalant les bruits de pas, les sièges brusquement rabattus, le frottis des vêtements, les chaussures qui renâclent dans l’étroite tranchée. Une grande salle, assez semblable à celle du Delta, qui pousse haut ses murs vides, là où il y aurait place pour trois étages. Ces cinémas-là vivent une autre vie que le déroulement d’un film, celle d’une flânerie. Ils remplacent un peu les camelots que l’on regardait pour passer le temps, les conteurs que l’on écoutait pour se distraire.
Les femmes s’y risquent peu. J’en vois parfois, des vieilles, qui viennent se poser sagement dans les premiers rangs, leur cabas entre les pieds et le manteau bien plié sur les genoux. Elles achètent un esquimau, grignotent un gâteau sec, s’essuient la bouche avec un coin de mouchoir. Leurs jambes, en épais bas gris ou marron, sont gentiment rangées l’une à côté de l’autre, parallèles, cassées à l’angle droit de la rotule, jamais jetées avec le désordre d’un habit que l’on lance sur la case voisine ou le dossier d’un siège. Au Louxor, une femme âgée s’était assise sur ma gauche à deux carrés de distance. Ses cheveux blancs faisaient un trou phosphorescent dans le coin de mon œil, et ses sacs plastiques se raidissant, se nouant, s’étirant, un paquet de bruit dans mon oreille. Elle mangeait tranquillement des yaourts, avec une petite cuillère et, sans doute, quelques morceaux de sucre. »

1980

– Juillet 1980 : Les Nouvelles littéraires, n° 2748
Claude Klotz, « Chambres obscures en v.o. »
LOUXOR 170 bd de Magenta, IXe [sic]
C’est l’un des derniers grands cinémas de Paris, le seul à avoir une façade peinte représentant des héros de western, de thrillers, de films d’aventures, tout ce qui fit pendant longtemps la programmation de ce cinéma fréquenté en majorité par des Maghrébins. Mais tout a changé depuis quelques temps avec l’arrivée d’un nouveau gérant, M. Le Plunard, connu des habitués sous le nom de monsieur Daniel. Avant qu’il ne prenne en main cet immense cinéma de mille places, à deux pas du métro Barbès Rochechouart, on n’y passait que des films italo-germano-hispano-franco-grecs, genre Six femmes pour l’assassin, Creuse ta tombe Django, bref, les rescapés de la série Z. Monsieur Daniel, un brin paternaliste, qui considère sa clientèle comme ses enfants, a choisi progressivement une programmation plus risquée touchant aux problèmes des Maghrébins. Depuis plusieurs mois, on voit ainsi en langue originale, L’opium et le Bâton, Omar Gatlato, Mektoub, autant de films arabes cantonnés au moment de leur sortie au quartier latin. Mais la clientèle, qui va au cinéma en famille ou pour retrouver les copains, semble un peu bouder cette initiative. De six cents entrées par jour, le Louxor n’accueille plus que deux cents visiteurs. On peut donc s’inquiéter de l’avenir de cette vaste salle qui doit attirer bien des convoitises. D’autant que, lorsque la Goutte d’Or sera nettoyée, urbainement parlant, le Louxor fera un assez joli complexe de salles.

– 4 et 5 octobre 1980 : Libération
Serge Toubiana, « Le cinéma dans ses temples. Un art qui ne s’affiche plus. »

[Légende à une photo du Louxor avec, à l’affiche, Monsieur le Duc]
« Le Louxor construit en 1921 avec sa façade à « l’égyptienne » aujourd’hui recouverte de panneaux publicitaires : cette salle appartient au groupe Pathé et marche bien, avec une programmation spécialisée dans les films égyptiens de pas trop mauvaise qualité. SVP, ne pas détruire ! »

– 16 octobre 1980 : Le Quotidien
Enquête Dominique Jamet , Martin Peltier , Charles Colson , Jean François Coulom : « Les Salles obscures ont-elles une âme (4) ». « Promenade à travers les derniers cinémas où l’on rêve. »
« […] LOUXOR. Oui, je viens dans son temple…
Le Louxor, au coin du boulevard de la Chapelle et du boulevard Magenta, en bordure de la Goutte-d’Or, c’était, comme le proclame sa publicité, le palais du cinéma et, comme son nom l’indique, un haut lieu de la décoration égyptianisante. Papyrus et esclaves en pagne fleurissaient sur les mosaïques de la façade. Puis la décadence est venue. Reléguée d’abord en deuxième exclusivité, la salle, vouée ensuite au public populaire, affichait à la fin des années 70 des Macistes, des Persée et les prêtresses d’Hercule et autres westerns de série C, pour deux francs. Aujourd’hui, sous l’impulsion d’un directeur de la nouvelle dynastie, Daniel Le Plunard. un Breton volubile, le Louxor, qui s’est adapté à sa clientèle, essentiellement maghrébine, paraît sauvé des eaux.
On y passe essentiellement des films arabes, souvent de qualité, comme Chronique des années de braise, La guerre de libération, Mektoub. Lorsqu’ils ont du succès, comme Patrouille à l’est, (16 000 entrées), ils sont remis au programme périodiquement. L’opium et le bâton revient ainsi tous les ans au troisième trimestre. D’autres fois. c’est le bide. Omar Gatlato, qui décrit les difficultés d’un immigré, n’a pas fait 4 000 entrées. « Le public n’est pas mûr, explique Le Plunard. Mais, l’un dans l’autre, la baisse de fréquentation s’est tassée. Il est certain pourtant que « l’assainissement » de la Goutte-d’Or en 1978 a fait beaucoup de mal. Avec tous les contrôles, la suspicion, les vexations, les gens n’osaient plus sortir le soir. Avant, la Goutte-d’Or servait de ralliement, de lieu de plaisir et de sortie. L’assainissement a complètement terrorisé la population ».
La vaste salle (950 places), assez anodine avec ses deux balcons ventrus, a été entièrement regarnie de fauteuils neufs il y a peu. Elle est bondée. Le public compte quelques femmes, mais reste composé en grande majorité d’hommes adultes. Quelques étudiants, de rares Pakistanais, se mêlent aux Maghrébins. La salle rit, s’exclame, manifeste « comme au bon vieux temps ». Dans le hall, on joue au billard électrique, on discute. « Ils sont chez eux. Il y a cinq ans, j’avais même organisé des attractions à l’entracte, mais ça coûte cher, et il est difficile de trouver quelque chose qui plaise à tout le monde, aux Arabes et aux Berbères, aux Algériens et aux Marocains… Ils viennent ici pour se retrouver. Ils me consultent pour remplir leurs dossiers de Sécurité sociale. En échange, ils m’aident au contrôle le dimanche, pour le coup de feu, quand le personnel est débordé. » Un personnel qui comprend un opérateur, un assistant, trois caissières, tous français, trois contrôleurs maghrébins, et trois ouvreuse, une Maghrébine et deux Françaises.
Les Français ne trustent-ils pas les postes de confiance ? « Avant que je n’arrive, aucun maghrébin ne travaillait ici. J’en ai recruté pour deux raisons. Ils sont plus efficaces, ils comprennent le public, il y a moins d’ennuis. Et puis aussi parce que c’est la croix et la bannière pour trouver un Français qui veuille travailler ici. Et pourtant, la salle est remarquablement calme. Le public la maintient dans un bon état de propreté. On casse peut-être cinq fauteuils par an. En proportion moindre que sur les Champs. Quant aux rixes, il y en avait fréquemment voici dix ans, parce que c’était un rendez-vous d’homosexuels, avec toutes les tensions que cela comprend. Maintenant, plus rien. »
Les difficultés viennent d’ailleurs. Le Louxor est une salle unique en son genre dans le circuit Pathé. Son directeur doit s’occuper lui-même des contacts avec les distributeurs, lesquels ne sont pas légion à l’intéresser. Le marché des films arabes susceptibles de plaire à son public plus « populaire » est somme toute restreint. D’où des démarches dans toues les directions, qui n’aboutissent pas toujours. A l’Office national du cinéma du cinéma algérien, par exemple, il trouve porte close. « J’ai beau leur dire que nous sommes la plus grande salle arabe de Paris, ils s’en foutent complètement. Ils ont peur qu’on les accuse de toucher un bakchich s’ils font quelque chose. »
Mais le public n’est pas chien. On se presse en famille, pour vingt francs, aux reprises périodiques des rares bons films arabes en v.o. qu’on peut voir à Paris, en passant sous les gigantesques et multicolores panneaux publicitaires, sous lesquels dorment, stoïques, les papyrus de la vallée du Nil. »

1981

– 3 mai 1981 : Le Monde
Alain Wais, « Programme pour une solitude »
« Dixième arrondissement. Incroyable. C’est le seul quartier de Paris où il soit impossible de voir les films à l’affiche partout ailleurs. Il faut se faire une raison, on a le choix entre des films indiens, d’horreur, de karaté, pornos ou de série B. Pas même un cinéma d’art et d’essai.

Mardi 28 avril : Jaani Dushman pour commencer, un film indien qui passe au Louxor. Le Louxor est ce grand cinéma à la frontière de la Goutte-d’or qui fait le coin du boulevard Magenta en face du métro Barbès, avec une grande façade recouverte de tous ces héros minables aux couleurs passées par le temps. La caissière est en train de lire. « C’est commencé depuis longtemps ? – Bah, vingt minutes, mais vous-z-inquiétez pas, c’est permanent » (le film dure trois heures). Pour une fois le prix indiqué sur le billet est le même que celui affiché à la caisse : 8 francs. Dans le hall : un appareil de photomaton, un Space Invaders, deux flippers sur lesquels s’acharnent des gosses. L’ouvreuse fait claquer ses mules. Indiquant les rangées du fond, elle dit tout fort : « Ça vous va, là ? – Un peu plus loin, si c’est possible. » Trois rangs plus loin, toujours très fort : « Bon, là, ça vous va ? » N’insistons pas, c’est sans appel, visiblement elle doit faire le coup chaque fois puisque tout le monde (une trentaine de personnes) est assis au fond.
La salle et l’écran sont très grands, les fauteuils plutôt confortables et en bon état. Mais les couleurs, le sol en béton, la lourdeur du lieu, l’éclairage sinistre, établissent un climat définitivement triste et sans vie. C’est un continuel va-et-vient, les portes battent. Il semble que l’on ait le droit de fumer, certains ne s’en privent pas. Le film, sous-titré en français et en arabe, est un « nanar » de première, des plans posés bout à bout qui s’entremêlent sans cohérence : un peu de danse et de chanson, un brin de karaté, un zeste d’horreur, un nuage de psychologie freudienne, un héros valeureux et un méchant félon, le tout ficelé autour de tragédies amoureuses de roman-photo à ne plus savoir qu’en faire. Au milieu du film, pendant l’entracte : trois ou quatre publicités dont une, en français et en arabe, pour une agence de voyages du quartier.

Un étudiant d’origine indienne, habitué de la salle (le Louxor est spécialisé dans les films indiens), me dit que c’est un vieux film, sans grand intérêt. Demain le programme change : ce sera un film récent. Ah bon.

Les gens sont seuls pour la plupart, une majorité d’immigrés : Arabes, Noirs, Indiens, ici et là quelques blancs à l’allure malsaine. On se croirait dans un lieu de transit, on vient tromper la solitude mais sans essayer de la casser. L’ouvreuse continue à faire du bruit, elle est la seule.
Une salle et trois flippers précèdent les toilettes, avec une pancarte : deux séances gratuites pour tout record battu. Valable. Dans les toilettes, cinq types bizarres attendent dieu sait quoi, chacun dans son coin, réunis tout à coup par l’arrivée de l’intrus. Plus envie de retourner voir le film. Au dessus de la porte, un panneau indique que, le film étant permanent, toute sortie est définitive. »

CinémAction Tumulte, n° spécial hors-série 1981- Supplément à Tumulte, n° 7, dossier réalisé par Guy Hennebelle et Chantal Soyer. « Farid, c’est fini. » (article sur deux cinémas de Barbès, le Delta et le Louxor.

1982

– 4 octobre 1982 : Libération
Xavier Delamarre et Francis Lacloche, « Les salles mortes se ramassent à la pelle ».

« […] Le Louxor, 170 bd Magenta (75010). Farid El Atrache assure toujours l’animation mais pourquoi Pathé a-t-il demandé une autorisation de percements supplémentaires ? Pour aérer la salle ? Ou pour accueillir le premier Tati oriental ? »
– 9 novembre 1982 : Libération
Francis Lacloche : « Orient-Express. »
« Dans la jungle des salles, voici une très brève relation de la colonisation de Paris par les troupes venues d’Orient. Tour à Tour : la Pagode, le Louxor, l’Orient-Ciné.
[…] Le boulevard Magenta s’étire diagonalement de la République à Barbes. On y aperçoit l’ancien marché St Quentin, livré aux perspectives des réhabiliteurs avisés. Les gares de l’Est et du Nord réceptionnent les cousins de Hénin-Liétard qu’on emmène dîner au Terminus-Nord. Au bout de Magenta se dresse dans la brume d’hiver et les vapeurs d’été, un navire immobile qui lutte depuis soixante ans contre la ferraille du métropolitain. Ce « Temple du cinéma », comme le proclame fièrement sa façade, est le dernier témoin d’envergure de l’égyptomanie forcenée du XIXe siècle.
Espérances orientales
Bien que construit en 1921, le Louxor exprime à travers un art mineur, le goût d’une époque pour les références orientales. Il a été récupéré depuis par ses légitimes inspirateurs, la clientèle mahgrébine qui hante Barbès pour y oublier les désillusions du mirage européen. Le Louxor était en 1921 une des salles les plus luxueuses du circuit Pathé. Elle est restée dans le circuit paternel mais elle a perdu de son lustre. La noble maison Pathé, qui fatigue un peu, ne sait pas très bien comment assumer Farid el Atrache et ses copains. Un tel lieu, ça vous défigure une maison respectable. Alors Pathé rêve de liquider le Louxor. Pas de chance, la façade est classée, sur l’initiative de quelques nostalgiques insolents. Alors Pathé pense en faire un supermarché ou un centre commercial, façade égyptienne incluse. Des autorisations de percements de portes supplémentaires ont été récemment obtenues.
Spectateurs du Louxor ne vous laissez pas reprendre Farid et Oum ! Donnez votre fric à Pathé : tant de sentiments les feront peut-être fléchir ! »

1983

– 19 janvier 1983 : Libération
Francis Lacloche, « Les salles en péril ».

« […] L’offre du jour : Le Louxor, 170 bd Magenta (75010), est à vendre. La façade gardera son décor égyptien (elle est classée Monument historique) mais l’intérieur peut devenir n’importe quoi. Exit probable de Farid el Atrache. Le Louxor a soixante ans cette année. Retraite anticipée ? »

– 24 août 1983 : Le Monde
Colette Godard, SOIRÉES. « La Romance du Louxor. »

« Quand les vacances sont loin et qu’on rêve d’exotisme, il suffit de franchir la rue Rochechouart, et c’est Barbès.
Barbès : le charme triste des murs encrassés, la façade blanche de l’Armée du salut, le Louxor. Une grande salle spécialisée dans les films populaires égyptiens, ces comédies musicales qui déroulent nonchalamment des love affairs pleines de péripéties et d’un sentimentalisme rose (12 F la place). Ainsi, Le temps d’aimer, avec un chanteur qui a de faux airs de Georges Guétary. Ses cheveux sont agressivement noirs, il porte avec aisance des vestes claires légèrement cintrées, des pyjamas sombres à lisérés blancs.
Son rôle est fait pour lui, le rôle d’une superstar immensément riche. Il a des problèmes avec sa femme, est poursuivi par ses fans, des jeunes filles rondelettes, dont les luxuriantes chevelures, coiffées en torsades, en échafaudages, vont du blond vénitien au châtain roux. L’une d’elle essaie de l’approcher en se faisant passer pour journaliste, comme dans les anciennes comédies américaines, mais le rythme n’est pas le même, non plus que le gabarit des starlettes, leur comportement : elles sont beaucoup plus exubérantes, fortement maquillées, leurs jupes courtes dévoilent sans complexe leurs cuisses bombées (le film doit dater du début des années 70).
L’héroïne est danseuse. Elle part en tournée pour le Liban (un véritable paradis…), où son oncle est majordome d’une superbe demeure appartenant justement à la superstar, mais l’oncle a fait croire à la nièce qu’il était millionnaire et que la maison était à lui, avec les machines à laver, les murs carrelés bleu, les lits roses, les tables de marqueterie, les lustres à pendeloques, la piscine, le parc, où la jeune fille et deux amies dansent une sorte de sirtaki avec la jeunesse du coin. Imaginez un pique-nique chez les Ewing… Mais arrive la superstar avec sa femme, et s’ensuit un imbroglio vaudevillesque, bon enfant, dans lequel interviennent des domestiques et des personnages pittoresques, proches de la commedia dell’arte.
Le film est donné en version originale et les sous-titres sont décalés. Les spectateurs rigolent. Ils sont là en famille, en couples, en recherche d’âme sœur. Entre les va-et-vient, les braillements des enfants, les engueulades des parents, l’ambiance est animée. Mais quand, sur fond de rocaille et de cascade, la vedette chante, face au public, une tendre, une langoureuse, une mélancolique mélopée, c’est le silence. Il bouge peu, juste un léger balancement du cou et des épaules. Ses mains s’ouvrent, se portent vers son cœur. Il glisse des regards de côté, les ramène vers la salle pour dire : « Toi messager d’amour… ». À en croire les sous-titres, la chanson raconte l’attente d’une femme, mais la voix de gorge, un peu râpeuse et douce, n’a rien d’ambigu, et c’est beau.
Quelle idée stupide, en sortant, d’aller voir, à la Gaité-Rochechouart, un « Kung Fu », parodique (15 F la place). Les dialogues sont doublés, mais pas les cris qui accompagnent les coups. La différence est sensible, ce qui, apparemment ne gêne personne. Les spectateurs, nombreux, manifestent leur contentement. Les combats, c’est vrai, sont ininterrompus. Mais ce sont seulement des acrobaties, bizarrement bruitées, comme si les moindres gestes se cognaient à une paroi, ce qui donne un cliquetis permanent. Si on aime la bagarre bidon, on peut y trouver son compte, à condition de supporter l’odeur, indéfinie mais pénétrante, de la salle.
Les roucoulades du Louxor ont une autre classe. Il paraît qu’en Afrique du Nord, dans les années 50, les femmes de la famille se réunissaient autour d’un phono et écoutaient en sanglotant d’interminables histoires d’amour en 78 tours. Il y en avait des piles et les larmes continuaient de couler tandis que les femmes posaient avec soin les disques sur le plateau rond.»
Le Louxor : 170, boulevard de Magenta. 7510 Paris. Tél.: 878-38-58. Programme : tous les jours de 12 heures à 24 heures. »

Sites et Monuments, n° 103, 4e trimestre 1983, p. 54 :
« A l’angle des boulevards de la Chapelle et Magenta s’élève un cinéma le Louxor dont la façade au décor égyptien avait paru assez remarquable pour être inscrite à l’inventaire en 1981. Une demande de permis de construire pour « restructuration et modification des façades » (B.M.O. p. 577) avait motivé l’inquiétude de nos délégués. Des réunions de concertation, tenues entre l’architecte des Bâtiments de France, le délégué régional à l’architecture et l’architecte du projet ont permis des mises au point positives. La façade serait mieux que respectée et les travaux le rendraient plus proche, même, semble-t-il de sa disposition d’origine.»

1994

– 2 mars 1994 : Le Parisien
Nathalie Segaunes : « Quel sort pour le Luxor [sic] ? »
« Le Luxor renaîtra-t-il un jour de ses cendres ? Cette vieille salle de cinéma d’environ 300 places située boulevard de Magenta (Xe), face aux magasins Tati, est vide depuis quatre ans. Fabien Ouaki, directeur du groupe Tati, a racheté la salle il y a sept ans, pour couper l’herbe sous le pied d’un concurrent qui menaçait de s’y installer.
Depuis, le Louxor a connu une existence plutôt chaotique. Cinéma spécialisé dans les films indiens (trois films pour 20 F), puis boîte de nuit (le Megatown), le Luxor a failli sombrer dans le porno. Puis il a été à deux doigts de se muer en garage automobile. Fabien Ouaki a mis le holà à cette descente aux enfers, préférant laisser la salle vide plutôt que de la mettre entre n’importe quelles mains.
« Mais aujourd’hui, on cherche de nouveau des locataires pour le Luxor, reconnaît-on chez Tati. Et il y a beaucoup de postulants. » Cinéma, école de cinéma, salle de concerts, lieu culturel proposant diverses activités, le patron de Tati a eu plusieurs propositions mais n’a pas encore fait son choix. « L’endroit est un peu isolé pour ouvrir un cinéma, estime-t-on dans l’entourage de Fabien Ouaki. Sauf à faire une rénovation du style Max Linder, il n’y a pas de salut pour ce genre de petite salle, à cet endroit là. » En tout cas, Tati ne bradera pas le Luxor. »

– 11 mai 1994 : Figaroscope
Christophe Martin, « Frémissement dans les salles ».
« […] LUXOR [sic].
De fait, les signes ne manquent pas, ni les projets : ouverture de salles à Pantin et Poissy, projets d’implantation multisalles à Bercy, aux Halles (quasiment achevé), projet d’accueillir des salles dans la galerie du Carrousel du Louvre (à côté de Virgin), frémissement autour d’un ancien cinéma de l’avenue Secrétan (19e arr.)… Et le Luxor, tristement éteint au coin du boulevard Magenta et du boulevard de la Chapelle (10e arr.) ? Propriété des magasins Tati depuis 5 ans (ils l’ont acquis pour empêcher toute implantation concurrente en face d’eux), il pourrait redémarrer mais pas dans l’immédiat, explique-t-on chez Tati, car il faudrait déjà au moins trois millions de francs pour le remettre aux normes de sécurité. Mais un projet existe, conçu par l’architecte Jean-Pierre Heim : il consisterait à restaurer la façade, réhabiliter la grande salle (écran géant), créer une salle de projection en sous-sol et ouvrir un restaurant panoramique très parisien.
Reste à trouver un partenaire pour l’exploitation. »

1995

– 23 mai 1995 : Le Jour, n° 53.
Claude Dupuich : « Le triste sort du Louxor ».

« Le Louxor-Pathé ou Louxor-Palais du Cinéma (comme c’est écrit en bas-relief sur la façade), grandiose chapelle du 7e art, aujourd’hui désaffectée, dresse sa masse de mastaba marmoréenne, au croisement du boulevard Magenta et du boulevard de la Chapelle. Ses façades encore altières ne doivent cependant pas masquer les incertitudes qui pèsent sur son avenir.
La grande saga des palais du cinéma à Paris, petit à petit anéantis par la crise des années soixante-dix et la spéculation, avait déjà été jalonnée en 1972 par la malencontreuse mise à bas du Gaumont-Palace (il illuminait la nuit de la place Clichy d’une superbe cascade lumineuse) et de tant d’autres fermetures de salles de quartier, projetées du monde du rêve à celui du commerce, tel l’étonnant paquebot du cinéma d’Ornano 43 (1933, architecte Gridaine) que l’on peut toujours contempler, investi par une supérette, au 43 du boulevard du même nom.
Jadis, une des salles les plus chics
Inauguré en 1921, œuvre de l’architecte Ripey et du décorateur Tibéri, le Louxor – qui fut avant-guerre une des salles les plus chics de Paris – se couvrit dans les années soixante-dix des défroques d’une pauvre salle des quartier (vision lumpen proletariat) puis de celles de discothèques plus ou moins improvisées (la dernière en date fut Megatown) avant d’être racheté par Tati, fin 1980, pour y entreposer du matériel de magasin et y mettre en place son studio de productions musicales (il est aujourd’hui transféré de l’autre côté du boulevard).
La beauté exotique et mythologique de ses façades (inscrites à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques) ne doit pas cacher l’état lamentable de l’intérieur « complètement pourri » selon les responsables de Tati qui ont dû renoncer – pour cause de Socotec – à toute activité en ces lieux : le toit s’écroule, il n’y a aucune sortie de secours… On frémit en pensant aux activités des anciennes discothèques. Tati n’envisage aucune reconversion de l’endroit et se contente, selon les règles élémentaires du monopole commercial, de « geler » l’emplacement. Les responsables de la communication de l’entreprise aux carreaux vichy s’irritent d’ailleurs du « mythe » qui court au travers de Paris selon lequel le Louxor aurait conservé son intérieur d’origine. « Il ne reste absolument rien, tout a été saccagé », martèlent-ils. Tati n’envisage donc pas de redonner à la salle son lustre d’antan, et se retranche derrière l’alibi de l’éventuel classement définitif du lieu et de l’état encore relativement correct des façades (elles ont cependant perdu leurs grands pylônes, répliques des poteaux sacrés en bois ornant les façades des temples pharaoniques) qui résistent aux outrages des tags et des affichages sauvages.
Cinéma néo-pharaonique
Invoquons donc Horus (son aigle surmonte l’entrée principale) pour que l’on redonne tout son éclat à une des seules salles de cinéma néo-pharaoniques au monde (on ne peut guère citer ailleurs que le Grauman’s Egyptian Theater de Hollywood, postérieur d’une année au « Palais du Cinéma ») et qu’ainsi Griffith et De Mille aient en plein Paris le cénotaphe dont ils auraient rêvé. »

1997
– Avril mai juin 1997 : Sites et Monuments n° 157
« 10e arrondissement. 170 boulevard Magenta – L’entre-deux guerres fut la grande époque de construction de cinémas se distinguant par leur architecture ou leur décor ; le Rex en est l’exemple le plus célèbre, mais on a également , à juste titre, sauvé de la démolition et inscrit à l’inventaire en 1981 l’ancien Louxor-Pathé, 107 [sic] boulevard Magenta, œuvre de Ripey et Tibéri (1921), qui conserve un pittoresque décor néo-égyptien. Mais actuellement dans quel état… Fermé , à l’abandon, dégradé, couvert de tags, il finit par paraître plus désolé que certains édifices du Nouvel Empire. Les magasins Tati qui en sont propriétaires semblent attendre qu’il tombe en ruines pour édifier à son emplacement un nouveau bâtiment. Ne pourraient-ils plutôt lui réserver une renaissance ? » (GP.)

– 29 octobre 1997 : Télérama
« Si beaux et si inutiles ».
« […] Le Louxor. A l’angle du boulevard Magenta et du boulevard de la Chapelle, la façade de mosaïque égyptienne du Louxor maintient avec difficulté son air de majesté. Dominant le carrefour, cet ancien cinéma construit en 1921, fut l’une des plus prestigieuses salles orientales de Paris jusqu’en 1983. Devant l’inexorable baisse de sa fréquentation, la société Pathé, propriétaire, avait décidé de s’en séparer.
Aussitôt, des rumeurs d’installation de supermarché flottaient dans l’air de Barbès. L’empire Tati ne pouvait pas laisser faire. Afin d’éviter que la concurrence ne s’installe à ses portes, il racheta l’étrange édifice dont la façade est classée monument historique. Du moment que ce n’est pas pour y implanter un magasin, Tati se déclare prêt à louer les lieux. Mais entre 1983 et 1988, trois tentatives de reprises par des boîtes de nuit ont échoué. Depuis, plus rien. Les idées de réhabilitation se multiplient, mais sans suite. Seul un « plastifieur » de papier entrepose son matériel au rez-de-chaussée : c’est la seule once de vie à animer un Louxor moribond dont la mosaïque ne cesse de s’effriter. »

1998

– 23 juin 1998 : Paris Capitale
« Le Louxor : y-a-t-il un pharaon pour investir à Barbès ? »

« Bien souvent recouvert d’affiches sauvages ou squatté par des vendeurs à la sauvette, le Louxor – à l’angle du boulevard de la Chapelle et du boulevard de Magenta – est presque invisible aux yeux des passants. Depuis peu, un panneau d’affichage Decaux a fini de le cacher.
Pourtant, cette salle de cinéma aux dimensions un rien pharaoniques connut son heure de gloire ; il y avait de la concurrence dans l’air avec le Grand Rex. Certains night-clubbers de la capitale ont découvert le Louxor sous l’appellation Megatown à la fin des années 80 : David Girard, le petit génie de la nuit gay, en fit l’espace e quelques mois, la plus grande discothèque de Paris. Il y perdit visiblement pas mal d’argent, même si les circonstances exactes de la réouverture et de la fermeture demeurent particulièrement floues.
Aujourd’hui le Louxor, sa façade un rien kitsch et son emplacement de choix sont la propriété du groupe Tati. On murmure que le rachat de cette immense surface tenait surtout à des considérations économiques : on aurait mal vu chez Tati qu’un concurrent s’installe juste en face des magasins « les moins chers de Paris » tout en profitant de l’affluence. Fermé depuis presque une dizaine d’années – et dans un sale état, aux dires de rares visiteurs – le Louxor, tel un Phénix, pourrait renaître de ses cendres. Le service de presse du groupe Tati évoque en effet un centre culturel à venir. Quand ? Pas dans l’instant, enfin pas avant un ou deux ans en tout cas !
En effet, les travaux sont importants, et donc coûteux. C’est une des énigmes de ce projet généreux – surtout dans un quartier qui ne déborde pas de lieux culturels –, le groupe Tati n’entendant pas couvrir les frais de réhabilitation à lui seul. Qui pourra ou voudra mettre la main à la poche … On parle alors d’une salle de spectacle doublée d’une salle de cinéma avec, sans doute à l’entrée, une boutique siglée Tati axée sur l’artisanat, le livre et le disque.
Peut-être que la perspective magique de l’an 2000 accélérera les choses et que cet effet d’annonce aura pour une fois des suites tangibles. »

2000
– 3 février 2000 : Le Parisien
Laure Pelé : « Le Louxor attise toutes les convoitises »
« Les passants ne le voient plus. Il est pourtant imposant, ce bâtiment qui occupe tout l’angle des boulevards Barbès [sic] et Magenta (Xe). De sa haute stature, il regarde le quartier Barbès en se souvenant des années trente et du faste disparu. Attendant, sous la grisaille et les affiches sauvages, qu’on s’occupe à nouveau de lui, aujourd’hui le Louxor, ex-palais du Cinéma, doit se satisfaire du remue-ménage qui agite son avenir. Depuis quelques jours, les rumeurs qui entourent son éventuelle reprise le feraient presque revenir à la vie.
L’ancien cinéma Art déco fait à l’égyptienne, classé pour partie, est fermé depuis 1979. Il est la propriété de Tati, son voisin d’en face, depuis le début des années quatre-vingt, qui ne l’a jamais « exploité ». Les rumeurs le disent acheté par la Ville de Paris ou encore par une société d’immobilier parisienne, en vue de le transformer en salle de cinéma Art et Essai, en salle de spectacles ou/et en studios d’enregistrement pour émissions de télé. Autant d’informations démenties avec une certaine gêne par toutes les parties censées être concernées. Chez Tati, on dit laconiquement : « il n’y a rien ». Son devenir inquiète notamment l’association historique du Xe, Histoire et Vies, qui projette de poser une question à ce sujet au prochain Conseil d’arrondissement. « S’il venait à être vendu, nous souhaitons fortement, raconte Janine Christophe, la présidente de l’association, que le Louxor soit dédié à devenir une salle omnisports, un cinéma multisalles, pourquoi pas spécialisé dans les films étrangers et multiethniques, pour coller au quartier cosmopolite qu’est Barbès. Ou, troisième idée, qu’il devienne le théâtre du Xe arrondissement. »
L’un des plus élégants bâtiments de la capitale
Le maire du Xe, Tony Dreyfus, demande, quant à lui, depuis des années à la Ville de le préempter pour en faire un lieu d’animation culturelle.
Construit en 1921, tout en mosaïques blanches et dorées à motifs égyptiens, le Louxor est toujours considéré comme l’un des plus élégants bâtiments de Paris.
Sa prochaine « reprise de service » transformerait définitivement l’image de Barbès qui s’apprête à accueillir le magasin Virgin Mégastore, autre temple de la culture. »

– 12 mai 2000 : Le Journal des Arts, n° 105.
Jean-François Lasnier : « Un rêve égyptien ».
« Art majeur du XXe siècle, le cinéma a plus souvent donné naissance à des constructions fonctionnelles qu’à une architecture créative. Toutefois, les années vingt et trente avaient vu fleurir quelques lieux fantastiques dont l’atmosphère exotique sonnait comme une promesse de rêve et d’évasion. Le Louxor, à Paris, était de ceux-là. Mutilé et fermé depuis 1979, il pourrait bientôt retrouver son lustre d’antan.
PARIS – C’était avant le temps des multiplexes, du son THX et du pop-corn. Lieux privilégiés du rêve et de l’évasion, les cinémas, dans une atmosphère de casino, offraient souvent aux spectateurs ébahis un spectacle total, sur l’écran et dans la salle. En ces années vingt et trente alors que le modernisme traquait l’ornement, des architectes n’hésitaient pas à mêler styles et époques dans un éclectisme sans limite, en regardant volontiers du côté de l’Orient. Construit en 1921 à l’angle du boulevard de Magenta et de celui de la Chapelle, le Louxor ressuscitait ainsi les fastes d’une Égypte de fantaisie, dont seule la façade garde aujourd’hui le parfum, avec ses colonnes lotiformes, ses mosaïques à motifs de palmettes et de papyrus réalisées par un dénommé… Tibéri. D’ailleurs, “ il doit à l’originalité de sa façade de n’avoir pas été rasé ”, reconnaît Janine Christophe, présidente de l’association Histoire et Vies du Xe arrondissement. En effet, depuis 1979, ses portes restent obstinément closes. Mais après des années d’indifférence, la renaissance du Louxor pourrait dépasser le stade du vœu pieux.
Acquis en 1980 par Fabien Ouaki, propriétaire des magasins Tati, le bâtiment avait été inscrit en 1981 à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, en même temps que le Rex et l’Eldorado, dans le cadre d’une campagne de protection thématique nationale. Le cas du Louxor mérite d’autant plus d’intérêt que très peu de cinémas ont fait l’objet d’une protection. En 1981, dans une note adressée au ministre de la Culture, l’inspecteur général Yves-Marie Froidevaux ne considérait-il pas que “nos cinémas, sauf quelques exceptions, n’ont pas enrichi notre patrimoine, et les noms des grands architectes ne se trouvent pas associés à ces réalisations, toujours médiocres et souvent de mauvais goût” ? Il est vrai que le nom de H. (Henri ? Hector ?) Ripey n’est pas passé à la postérité et que le style égyptisant de la salle n’a pas résisté à la rénovation de 1970. Toutefois, les qualités esthétiques de la façade ont sans doute motivé le refus du permis de démolir, en 1985. Depuis, rien à signaler, jusqu’à ce que la mairie de l’arrondissement se préoccupe récemment d’une possible remise en état. Jean-Pierre Pierre-Bloch, élu de l’arrondissement voisin, le XVIIIe, et adjoint au maire de Paris, s’est également intéressé au dossier. Regrettant “un déficit de salles dans Paris, notamment de petite taille”, il se félicite que le Louxor retrouve sa destination originale. Janine Christophe avait suggéré de le transformer en centre culturel intercommunautaire où seraient organisées des projections et des expositions, afin que le Louxor redevienne “un lieu de culture accessible à toutes les composantes de la société parisienne”. Le projet final devrait être sensiblement différent.
Après la signature d’une promesse de vente, en décembre dernier, le Louxor sera cédé prochainement à une société immobilière parisienne, Haussmannia. Son ambition est de rendre au Louxor sa vocation de salle de cinéma, de spectacle et de concert, mais en y ajoutant quelques fonctions propres à assurer une meilleure rentabilité : en sous-sol seront créés un studio d’enregistrement et des salles de répétition. « C’est un pari », concède Sébastien Molina, de la société Haussmannia, car la rénovation, la remise aux normes et le réaménagement du cinéma, confiés à l’architecte Jean-Jacques Oury, nécessiteront un investissement assez lourd. Mais avec l’installation prochaine, sur le boulevard Barbès, d’un Virgin Megastore à la place de la BNP, la physionomie du quartier pourrait évoluer, pour le plus grand profit de ce lieu culturel unique. »

– 20 mai 2000 : Le Parisien
Laure Pelé : « Le Louxor sera une salle de spectacle ».

« Le Louxor est en passe de revenir à la vie. L’ancien cinéma de Barbès qui attendait depuis plus de vingt ans de retrouver sa splendeur d’antan, va être racheté. Après maintes rumeurs sur son imminente reprise, c’est finalement Haussmannia, une société immobilière parisienne, qui s’est portée acquéreur de cette énorme bâtisse, propriété des magasins TATI depuis 1980. Alors que seule la promesse de vente a été signée pour l’instant, le gérant de la société consent du bout des lèvres à dévoiler la nouvelle vocation culturelle qu’il lui réserve.
« Rien n’est fait, tient-il toutefois à affirmer d’emblée, nous n’avons encore rien signé de définitif. Mais c’est un projet qui nous tient à cœur. Il n’y a aucune salle de spectacle, en dehors des théâtres, aussi esthétique dans Paris. Nous avons confié le projet de rénovation à l’architecte Jean-Jacques Oury. Notre idée est de faire du Louxor une salle de spectacle polyvalente qui accueillerait aussi bien des concerts, des défilés de mode, des manifestations culturelles en tout genre, et pourquoi pas, des studios d’enregistrements d’émissions de télévision, des salles de répétition. En revanche, nous n’avons pas retenu l’idée d’en faire un cinéma, pas assez viable. »
Splendeur d’autrefois d’un quartier populaire, le Louxor a fermé ses portes en 1979, s’abandonnant au fil des années à la grisaille et à l’affichage sauvage (il n’a en effet jamais été « exploité » par son propriétaire). Et il est devenu bien difficile d’estimer, vu d’en bas, le travail admirable dont il avait fait l’objet à l’époque. Dans le tumulte du quartier, malgré son imposante stature qui occupe tout l’angle des boulevards Magenta et de la Chapelle (Xe) les passants ne le voient plus.
Un décor à l’égyptienne
Construit en 1921, tout en mosaïques blanches et dorées à motifs égyptiens, le bâtiment, inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, est pourtant toujours considéré par les spécialistes comme l’un des plus élégants bâtiments de Paris. Et, singulièrement, il ne doit son salut qu’à un dénommé …Tibéri. Dans les année vingt, gourmand d’architecture exotique et volontiers orientalisante, ce Tibéri-là avait orné l’intérieur et la façade du cinéma de typiques motifs de palmes et de papyrus à l’égyptienne. Et c’est certainement ses mosaïques extérieures et son architecture, rares dans la capitale, qui ont sauvé le bâtiment de la démolition en 1985. En revanche, il ne reste presque rien de la décoration intérieure. « Nous rendrons à cette salle, actuellement en très mauvais état, tout ce qui faisait son cachet à l’époque, assure le gérant d’Hausmannia. Tout sera refait à l’identique, à l’égyptienne. »
Si Sébastien Molina ne veut pas pour l’instant lâcher le prix de la transaction, ni même l’estimation des travaux à venir, il dit tout de même s’engager là dans son plus lourd investissement. La société, qui n’est pas coutumière de ce genre d’affaire, ne cache pas avoir dans l’idée de continuer dans cette voie. Elle est tombée pile en tout cas ; le quartier est en plein renouveau. La prochaine « reprise de service » du Louxor, prévue, travaux compris, pour 2002, transformerait ainsi définitivement l’image de Barbès, qui s’apprête également à accueillir le magasin Virgin Megastore, un autre temple de la culture. »

– 26 mai 2000 site Silverscreen.com  Denis Ambrois « L’avenir du Louxor décidé ».
« Article dans le Parisien, édition Paris, hier jeudi sur une salle mythique, le Louxor, ex Louxor Pathé.
L’article est intéressant, malgré quelques lacunes et erreurs. On y apprend que le cinéma ouvrit en 1921. Sa façade est superbe (mais ça, on le sait, car même en mauvais état, il attire les regards depuis le métro aérien à la station Barbes).
On y dit aussi que le cinéma ferma en 1979, et fut abandonné depuis, ce qui est faux. En 1979, il rejoignait le Delta dans la programmation de films indiens en version originale (non sous-titrée, je crois bien), et ce jusqu’en 1985. Après des travaux, il devint le “Megatown”, plus grande boîte gay d’Europe, qui fit couler beaucoup d’encre. La période était sans doute mal choisie pour ouvrir un tel établissement, et la boîte ferma, laissant son logo à la vue des passants. Le cinéma fut racheté par Tati. Officiellement, pour y ouvrir un cinéma populaire, à prix Tati (comprendre pas cher et de type 19F95). Il s’agissait plus probablement d’éviter qu’un concurrent n’y installe un magasin (comme cela s’était passé au Gaîté Rochechouart, remplacé par un magasin de fringues bon marché). ? ça ne se fera jamais.
La vente à une autre société est en cours, pour en faire une « salle polyvalente ». Le bâtiment ne sera donc pas détruit, mais on le savait déjà, vu qu’il est classé. L’intérieur sera entièrement rénové, dans le style d’origine. On dit aussi : « Nous n’avons pas retenu l’idée d’en faire un cinéma, pas assez viable ». Pas totalement faux, mais bon… A retenir : un cinéma dont on espérait le retour depuis des années crève définitivement. Un de plus. »

– 14 août 2000 : Le Parisien.
Florence Sterg : « Le commerce double les petites salles »

« L’hécatombe des salles uniques, ce n’est pas du cinéma ! Depuis trois ans, accablées par la concurrence des multiplexes, une cinquantaine de petites salles parisiennes ont mis la clef sous la porte. Dernier en date à craindre pour son avenir, le Brady, le cinéma de Jean-Pierre Mocky, qui est déficitaire en permanence. Le réalisateur de À mort l’arbitre vient d’ailleurs de tirer la sonnette d’alarme auprès des pouvoirs publics. Résultat, il ne reste plus aujourd’hui dans la capitale qu’une dizaine de salles d’art et d’essai. Et c’est, le plus souvent l’argent roi qui remplace le petit cinéma de quartier. Si l’Eldorado, boulevard Rochechouart (Xe) et d’ici à 2002, le Louxor, boulevard Barbes (Xe) ont pour vocation d’accueillir des concerts et des spectacles, les cinéphiles du Xe sont obligés désormais de franchir les frontières de l’arrondissement pour se payer une toile. Pire, les Tourelles dans le XXe, comme l’Accatone et le Latina dans le Ve se sont transformés en supermarchés ou en commerces. Dans le XVIe le Passy abrite aujourd’hui un magasin de prêt-à-porter. Coup de pub. »