La publicité au Louxor

Le souvenir de la publicité Jean Mineur – même si le petit personnage qui l’incarne n’a pas totalement disparu des écrans de cinéma – suscite sans doute quelque nostalgie chez certains d’entre nous. Elle apparaissait naturellement sur l’écran de notre cinéma préféré…

Jean Mineur

Car le Louxor ne vivait pas que des films projetés. Le programme de 1924 en portait déjà témoignage, et nous y avions consacré une petite étude.

Programme du 18 au 24 septembre 1924, page 8

Programme du 18 au 24 septembre 1924, page 8

Il ne s’agit plus cette fois des publicités dans les programmes, mais sur l’édifice lui-même, et d’un certain nombre de contrats publicitaires que nous avons trouvés dans le fonds Pathé.  Ils devaient apporter un petit supplément aux recettes cinématographiques, et nous renseignent aussi sur l’aspect intérieur et extérieur du bâtiment dans les années 1948-1970, et sur son intégration à la vie commerciale du quartier.

Commerces du quartier Barbès
Comme nous l’avions déjà noté pour le programme,  ce sont en effet souvent des commerces du quartier qui, en général pour un ou quelques mois, louent un emplacement publicitaire, panneau ou vitrine, sur un mur extérieur, côté boulevard de Magenta ou  boulevard de La Chapelle,  ou dans le hall du Louxor.
Ainsi, le 14 octobre 1950, la Société des Théâtres Cinématographiques Pathé signait la concession à Monsieur Dobrec, du commerce d’ameublement « Barbès-décor », 51 bd de la Chapelle, d’un « panneau publicitaire, 1,20m x 1,60 m, façade du Louxor à droite, bd. Magenta ». Elle était signée pour 3 mois (1er novembre 1950-1er janvier 1951), et  reconductible par trimestre, pour 3 000 Frs par mois. M. Dobrec s’engageait pour sa part :

« à apposer sur ce panneau un texte publicitaire se rapportant uniquement à [son] commerce d’ameublement ».

Quelques années plus tard, le 15 novembre 1963, c’est à M. Obadia, et « France-Fabrique», qui, situé à la même adresse, a sans doute succédé à « Barbès décor », que seront louées deux vitrines sur la façade, l’une côté Bd de la Chapelle, l’autre Bd Magenta, pour 3 mois (1er décembre 1963 au 28 février 1964). Le contrat est  renouvelable de 3 en 3 mois, pour 150 Frs par trimestre. Il doit s’engager à n’exposer :

« que des objets ou articles destinés à la publicité de [son] commerce de meubles, à l’exclusion de tous autres, cette décoration devant avoir également un aspect décoratif et de bon goût ».

Le 15 janvier 1954, c’est une  vitrine dans le hall qui est concédée, pour un mois (15 janvier-14 février), à M. Trouvé, « Au Cyclamen », 50 rue de la Goutte d’Or, commerce de fleurs (loyer 2500 Frs), et le  1er avril 1954, Pathé loue encore à M. Arvanitakis, Maison MARINIK, 52 rue Polonceau, « une vitrine dans le hall de l’établissement Louxor Pathé », du 1er avril au 30 avril 1954, puis de mois en mois, pour 3 000 Frs par mois. Encore une fois, il est précisé que le commerçant s’engage :

« à n’exposer dans cette vitrine que des articles se rapportant à [son] commerce de chaussures de luxe pour dames, à l’exclusion de tous autres ».

Sociétés de publicité
Mais il pouvait aussi s’agir d’affichage sur une plus grande échelle, et de contrats non plus avec des commerçants locaux, mais avec des sociétés de publicité. Ainsi, c’est tout le mur du 170 bd Magenta, c’est-à-dire une superficie de 80 m2 que l’Affichage Levi-Tournay va louer pour « une année à partir du 15 mai 1955 », mais sans doute pour plus longtemps, puisque le contrat précise qu’il devra être donné un « préavis de 3 mois avant la fin de chacune des 2 premières années ». Il s’agit cette fois d’une autorisation à « apposer et peindre des affiches », pour un loyer de 600 000 Frs par an, avec un paiement payable par trimestre et d’avance le 15 du 1er mois. La Société Lévi-Tournay s’engage à ne pas apposer d’affiches politiques, de salles de cinéma et de spectacles, de films, exception faite pour les exclusivités Pathé. Le contrat ajoute :

« Pour les pignons, l’ Affichage Levi-Tournay aura la faculté de faire passer ses ouvriers par l’escalier de la maison pour l’établissement des échaffaudages [sic] nécessaires à la peinture des affiches, et il s’engage à supporter les dégâts qui pourraient être commis par eux ».

Un témoignage photographique plus récent nous donne une idée de ce qu’a pu être la publicité sur le mur côté Boulevard de la Chapelle.

Pub-Louxor copie

Nouveaux supports
Dans les années 50, les supports publicitaires évoluaient. Le 11 mai 1959 est signé un bail entre la Société des Théâtres Cinématographiques Pathé et Claude Paz et Visseaux, de la  société Claude Publicité. Il s’agit de la location d’un « emplacement de 4m 40 de hauteur  sur 11m 90 de largeur en avant de la partie convexe de la terrasse, à l’effet d’y installer et de faire fonctionner des dispositifs de publicité lumineuse ». Il prend effet le 15 juillet 1959, pour 3, 6 ou 9 années, et 200 000 Frs de loyer annuel. Ce contrat a été de longue durée. Le 26 mars 1973, une lettre de C. Brucker, de la Direction de l’exploitation Pathé, à la Direction administrative, mentionne l’existence d’un :

« contrat de publicité lumineuse entre Pathé et Claude Publicité, en date du 11 mai 1959, renouvelé le 15 juillet 1968 pour une durée de 9 années, et révisable en fin de chaque période triennale ».

C. Brucker ajoute : « J’aimerais que vous voyiez s’il ne serait pas possible d’augmenter sensiblement le loyer ». L’appel à l’augmentation sera entendu. Le 15 juillet 1977 un bail est consenti pour un an par Pathé Cinéma à Claude Publicité (Boulogne) pour un :

« usage exclusif de 4m 10 de hauteur du 11m 90 de largeur sur la partie convexe de la terrasse au-dessus du toit de l’immeuble ainsi qu’un emplacement dans les combles afin d’y installer les appareils nécessaires au fonctionnement des motifs lumineux de l’immeuble sis au 170 bd Magenta pour l’installation d’un ou plusieurs dispositifs lumineux sous les conditions suivantes :
– La publicité ne doit pas faire concurrence aux activités du cinéma exploité dans l’immeuble.
– Claude Publicité aura la charge de fournir et installer tous les accessoires nécessaires à la mise en place et au fonctionnement de ces dispositifs […] »

Le loyer annuel est cette fois (on est passé aux « nouveaux francs » depuis le 1er janvier 1960) de «  6 400 Fr en cas de fonctionnement actif, 2 000F si non exploité ».

Plus récemment, c’est la politique qui s’afficha sur les murs du Louxor. On peut supposer que le RPR, comme les publicitaires commerciaux, payait Pathé pour l’utilisation de son mur pour la publicité politique de la Mairie de Paris, qui n’était pas alors propriétaire du Louxor…

Publicité pour le RPR

Publicité pour le RPR

Dans la lettre de C. Brucker datée du 26 mars 1973 une autre remarque nous renseigne cette fois sur l’aspect  de la scène du Louxor. C. Brucker écrit en effet :

« Il existe de chaque côté de la scène des pendules publicitaires PSCHITT. J’aimerais savoir si ces pendules sont notre propriété, car elles ne marchent pas depuis longtemps et j’avais pensé à voir avec Coca-Cola s’il n’y aurait pas moyen de les remettre en service avec publicité pour cette marque. Je ne trouve rien à ce sujet dans mes dossiers. »

Affiche de Jean Carlu

Affiche de Jean Carlu

Le rideau réclame
Un autre élément essentiel de la publicité au Louxor, partie prenante de la décoration de la salle a naturellement été son rideau réclame. En 1948, la SNPC (Société Nouvelle Pathé Cinéma) passe un accord avec la Société Publicité Omnium-Ciné pour l’exploitation du « rideau de publicité de la salle Louxor ». Une lettre du 28 mai 1948 de la SNPC à Omni-Ciné rappelle les « conditions d’exploitation du rideau réclame de notre établissement Louxor » : installation du rideau ainsi que « tous droits, taxes, impôts ou frais quelconques » se rapportant à l’exploitation du rideau « aux frais exclusifs » d’Omnium-Ciné, concession pour deux années (1er mai 1948-30 avril 1950) renouvelable par « tacite reconduction », versement chaque trimestre à la SNPC de « 25% du montant brut des sommes » perçues des annonceurs.
Les détails qui suivent sont particulièrement intéressants quant à l’état d’esprit de l’époque :

« La publicité qui sera faite par vous sur le rideau ne sera ni immorale ni équivoque et ne devra en aucun cas se rapporter à un spectacle de quelque genre que ce soit, et nous aurons le droit de nous opposer à toute publicité qui ne rencontrerait pas notre agrément ».

Et quant au déroulement des séances :

« Le rideau sera baissé au cours de chaque soirée en salle ou scène éclairée, une première fois dès l’ouverture de la salle pour n’être relevé que 5 minutes avant la mise en place de l’écran, une deuxième fois dans le courant de l’entracte pendant trois minutes ».

Nous avons aussi la liste des annonceurs :
Desangin ; Au Palais ; Au Gros ; Fontain ; Larapidie ; Bense ; Chabrol Immobilier ; Tocaglian ; Benoist ; Fleischmacher ; Martini-SARL ; Hewry ; Richard ; Talard ; Lefort ; Société Econorest ; Restaurant coopératif.
Le montant total des contrats était de  174500 F.

Enfin, nous avons trouvé, sans date ni signature un projet de  convention entre la Société Nouvelle Pathé Cinéma et Électro-jeux Touitou et compagnie, qui précise :

« Électro-jeux met à la disposition de Pathé cinéma dans son établissement dit le Louxor […] un ou plusieurs appareils automatiques » .

La convention vaut pour une année entière, et est renouvelable d’année en année. 50% (TTC) de la recette brute sera versée à Pathé, dont les employés pourront faire un relevé mensuel. Le projet semble ne pas avoir abouti ; en tout état de cause, le contrat ne figure pas dans les archives Pathé.

Enfin, une image nous montre une autre utilisation, dans les dernières années de l’exploitation du Louxor, de son hall : l’installation d’un appareil « Photoquick ».

©Nicole Jacques-Lefèvre | lesamisdulouxor.fr

Sources : Fondation Jérôme Seydoux-Pathé