Farid El Atrache retrouve l’écran du Louxor

15 janvier 2016 : « Nuit égyptienne »

Le 9 novembre 1982, Francis Lacloche, fondateur de l’association Eldorado qui a mené, au début des années 80, une action énergique en faveur des salles de cinéma menacées de disparition, lançait dans Libération un appel à la mobilisation :
« La noble maison Pathé, qui fatigue un peu, ne sait pas très bien comment assumer Farid el Atrache et ses copains. Un tel lieu, ça vous défigure une maison respectable. Alors Pathé rêve de liquider le Louxor. Pas de chance, la façade est classée, sur l’initiative de quelques nostalgiques insolents. Alors Pathé pense en faire un supermarché ou un centre commercial, façade égyptienne incluse. Des autorisations de percements de portes supplémentaires ont été récemment obtenues. Spectateurs du Louxor ne vous laissez pas reprendre Farid et Oum ! Donnez votre fric à Pathé : tant de sentiments les feront peut-être fléchir ! »
Mais, on le sait, l’affaire était réglée. Exit Farid El Atrache et Oum Kalthoum. Par quel miracle le Louxor aurait-il échappé au sort des salles de quartier qui fermaient les unes après les autres ? Lui aussi, vendu à Tati, ferma le 30 novembre 1983. Mais on connait la suite … (voir la chronologie et la page Historique). Non seulement le cinéma est de retour au Louxor mais son directeur, Emmanuel Papillon, dose habilement dernières sorties (l’essentiel de la programmation) et films du patrimoine, français et étrangers. C’est ainsi que le 15 janvier 2016, Farid El Atrache, qui fut dès les années 30 une des stars de la chanson et du cinéma égyptien, retrouve l’écran du Louxor à l’occasion de la « Nuit égyptienne ».

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Le cinéma muet est de retour sur l’écran du Louxor…

Affluence des grands jours pour le premier Ciné Concert

Dimanche 15 mars 2015 à 11 heures, dans la salle Youssef Chahine pleine à craquer, grands et petits étaient venus retrouver ce qui fit autrefois les beaux jours du Louxor : le cinéma muet. Et ils le redécouvraient, qui plus est, projeté sur l’écran « historique » de 1921, habituellement dissimulé derrière le grand écran escamotable.

15 mars 2015 - Avant la séance

L’écran historique du Louxor, 15 mars 2015, avant la séance

Serge Bromberg et Emmanuel Papillon, 15 mars 2015

Serge Bromberg et Emmanuel Papillon, 15 mars 2015

Mais loin d’être gêné, ou dérouté, par ce « petit » écran de 6 mètres de large sur 4,50 de haut, le spectateur de 2015 a l’impression d’entrer dans l’image avec la même facilité que lors de projections classiques. En effet, comme l’a rappelé Emmanuel Papillon, les films muets étaient tournés en format d’image 4:3, proportions exactes de l’écran « historique » du Louxor, donc parfait pour la projection de films muets. Nous retrouvons ainsi, a-t-il ajouté, le véritable « angle de vision de nos ancêtres ».

Pendant la projection de l’Émigrant de Charlie Chaplin

Pendant la projection de L’Émigrant de Charlie Chaplin

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Le Louxor pendant l’Occupation. Les films projetés entre 1940 et 1944

Pendant que la guerre ensanglante l’Europe et que la France est occupée par les troupes du IIIe Reich, le spectacle continue. Les salles de cinéma et de théâtre sont pleines, de nouveaux films sortent ; quotidiens et revues se font l’écho de premières, de mondanités diverses, de galas, où se bousculent officiels (civils et militaires) et vedettes du spectacle. Pendant ces années d’Occupation, le Louxor, comme les autres cinémas parisiens, a poursuivi son activité. Mais quels films voyait-on ?

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L’orgue de cinéma : du Louxor au Gaumont-Palace

Conférence du 18 octobre 2011, Mairie du Xe arrondissement

Le sujet de l’orgue disparu du Louxor a déjà été abordé dans un précédent article  : « Les orgues Abbey, une histoire de famille ». Nous parlerons ici surtout de l’orgue de cinéma en général, et de celui du Gaumont-Palace en particulier.

 Tommy Desserre à la console de l'orgue du Gaumont

Tommy Desserre à la console de l’orgue du Gaumont en 1971

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À la découverte du cinéma indien

Entretien avec Deva Koumarane

Dans l’article Bollywood au Louxor, Deva Koumarane nous avait donné un premier aperçu des films indiens programmés dans cette salle à partir des années 70. Nous avons souhaité en savoir davantage sur ce cinéma qui suscite depuis un siècle l’engouement du public en Inde mais est aussi  largement distribué dans le monde entier. Dans le long entretien qu’il nous a accordé, Deva Koumarane rappelle d’abord les raisons de l’émergence rapide d’un cinéma national en Inde et de  son adoption immédiate par le public, ses thèmes et caractéristiques. Il évoque ensuite l’importance de la musique et des chanteurs, l’existence de cinémas régionaux, notamment du cinéma tamoul et de ses rapports très étroits avec le monde politique. Il revient aussi plus longuement sur les films marquants qui sont passés au Louxor et les vedettes qui étaient omniprésentes dans cette programmation. Et il évoque enfin l’état du cinéma indien aujourd’hui.

Mother India, un des grands films de l'histoire du cinéma indien

À quelle date l’Inde a-t-elle découvert le cinéma ?
Dès 1896.  Le 7 juillet, deux opérateurs des frères Lumière se rendirent à Bombay et projetèrent à l’hôtel Watson, devant deux cents personnes, plusieurs films d’actualité dont L’Arrivée d’un train à La Ciotat. Le ticket était à une roupie, un prix exorbitant à l’époque, et le public était surtout composé de l’élite coloniale. Il y eut une seconde projection dans le Théâtre Novelty devant un public plus nombreux et divers dans sa composition car on avait vendu des billets à différents tarifs.
Quand voit-on émerger un cinéma national ?
Au tout début du muet, les spectateurs indiens voient des films importés des Etats-Unis et de l’Europe. Mais on assiste très vite à la naissance d’un cinéma indien. Il s’agit surtout d’abord de petits films documentaires (actualités, célébration de fêtes, etc.). Puis arrive la fiction.

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Souvenirs d’un spectateur heureux

Nicole Jacques-Lefèvre s’est entretenue avec Jean-Pierre Lemaire, habitant du quartier, cinéphile et ancien spectateur du Louxor.

Pour Jean-Pierre Lemaire, éditeur d’art et d’histoire et spécialiste de l’histoire du cinéma, né le 22 août 1941, le Louxor est une affaire de famille. Ses grands parents, M. et Mme De Jonghe, qui habitaient 51 bd de La Chapelle, ont failli être expropriés lors de sa construction, qui devait s’étendre au-delà de la surface finalement retenue. Ce qui n’a pas empêché sa mère de l’emmener très jeune, le dimanche, au Louxor. Elle évoquait aussi sa propre expérience de spectatrice au Louxor, et Les Périls de Pauline, série en 20 épisodes,  produite par Pathé en 1914, avec Pearl White.

Dans les années 1946-49, alors que le Louxor projetait les films de la RKO, dont Howard Hugues était directeur, il y a vu tous les Walt Disney (Pinocchio, Dumbo, Bambi, …) et, vers l’âge de onze ou douze ans, Bari chien loup avec Pierre Fresnay. Le Louxor était alors, contrairement au Palais-Rochechouart (à l’actuel emplacement de Darty) qui diffusait en première exclusivité, un cinéma de deuxième exclusivité, aux versions toujours françaises. Trois prix étaient proposés, pour l’orchestre, le 1er et le 2e balcon. Le Louxor était alors très fréquenté, et il n’était pas rare de s’y trouver dans de longues files d’attente : on s’installait donc aux places qui restaient libres. On pouvait fumer dans la salle.  Lorsqu’un film avait beaucoup de succès, il restait deux semaines à l’affiche. Ce fut le cas, entre 49 et 50, de Samson et Dalila de Cecil B. DeMille.

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Mars 1973, «La Bataille d’Alger» au Louxor

Un témoignage de Jean-Pierre Leroux

Cela doit être en 1973 que j’ai vu le film de Gillo Pontecorvo  La Bataille d’Alger au Louxor. Un film réalisé en 1965, mais qui avait été retiré des écrans sous la pression des groupes d’extrême droite. J’étais accompagné de ma compagne et d’un journaliste algérien.

Affiche de La Bataille d'Alger (DVD CArlotta Films)

Affiche de La Bataille d’Alger (DVD Carlotta Films)

La salle était comble et l’assistance composée essentiellement de spectateurs d’origine algérienne. Très vite, on s’est rendu compte que ce film représentait quelque chose de fort pour toute l’assistance. Les spectateurs « vivaient » le film. Des moments de silence qui traduisaient l’inquiétude, lorsque les parachutistes envahissaient la casbah. Des cris d’indignation face aux brutalités des militaires. La salle qui se levait et acclamait lorsque les combattants du FLN déjouaient les parachutistes.

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