Cartes postales publicitaires pour les films

Le Bossu au Louxor (1925) ; Charlemagne (1934)

Parmi les supports publicitaires proposés aux exploitants des salles de cinéma par les producteurs, les cartes postales, faciles à distribuer au guichet, figuraient en bonne place au côté des affiches, programmes, et même mannequins en carton. Les documents originaux de ce type concernant le Louxor sont assez rares sur le marché des « vieux papiers ». En voici deux, la première de 1925 ( le temps du muet ), la seconde de 1934.

 Carte postale distribuée au Louxor (1925)

Carte postale distribuée au Louxor (1925)

Cette nouvelle carte postale publicitaire, acquise par Nicole Jacques-Lefèvre, annonce la projection au Louxor, le 4 décembre 1925, du film Le Bossu, tiré du célèbre roman de cape et d’épée de Paul Féval, et présenté en salles sous forme de feuilleton en trois épisodes (1). Cette adaptation du récit des exploits de Lagardère (2), émaillé de péripéties et rebondissements multiples, sortait en décembre, à point nommé pour les fêtes de Noël (et avant Les Misérables annoncé pour le 25 décembre !). L’épisode du Bossu présenté chaque semaine ne représentait qu’une petite partie du long programme de la soirée (3) mais le film a pourtant bénéficié du même type de campagne publicitaire qu’un long métrage.
Treize cartes postales furent proposées par le producteur (les Établissements Jacques Haïk) aux exploitants « au prix de 50 francs le mille ».

Plaquette de présentation du film adressée aux exploitants (mise aux enchères sur Internet).

Plaquette de présentation du film adressée aux exploitants (document mis aux enchères sur Internet).

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La place de l’Algérie dans la programmation du Louxor

Après les films d’action et les péplums, qui composaient l’essentiel de sa programmation de la fin de 1967 jusqu’au milieu des années 70,  c’est à partir de 1973 que les films sur la Guerre d’Algérie arrivent sur l’écran du Louxor. Pour enrayer la baisse de fréquentation (1) qui frappe les salles de quartier, le Louxor a fait le choix de renouveler son public en s’adressant en priorité aux très nombreux immigrés installés à Barbès (ou qui fréquentent le quartier). Le succès est d’ailleurs au rendez-vous avec un nombre d’entrées en hausse spectaculaire, du moins pour quelques années, avant une nouvelle chute au début des années 1980(2), qui aboutira à la fermeture du Louxor le 30 novembre 1983.
L’importance du film La Bataille d’Alger dans l’histoire de la programmation du Louxor a déjà été évoqué. Mais d’autres films, comme Chronique des années de braise de Mohamed Lakdar Hamina (Palme d’or du Festival de Cannes 1975) qui fut projeté début 1976 pendant trois semaines d’affilée ou L’Opium et le Bâton (1971) d’Ahmed Rachedi attirèrent eux aussi les foules au Louxor. Jusqu’à la fermeture du Louxor,  certains de ces films seront reprogrammés régulièrement au Louxor.

Pourtant, pendant près de cinq ans, ces films restent noyés dans la marée des péplums, westerns et autres films d’action. En 1973, La Bataille d’Alger se retrouve ainsi entre Le Courageux, le Traître et le Sans pitié et Quand les vautours attaquent ; La Guerre d’Algérie se faufile entre Dans l’enfer de Corregidor et Les Travaux d’Hercule
Il faut attendre 1978 et l’arrivée des films égyptiens, puis indiens, pour que Gringo, Ringo, Trinita, Hercule et Spartacus fassent peu à peu leurs adieux au Louxor.

Nous publions ici la liste (accompagnée des dates et du nombre d’entrées par semaine) des films algériens ou des films de réalisateurs étrangers sur l’Algérie projetés au Louxor de 1973 à 1983. On constate, d’après les trois tableaux qui suivent, que les films les plus souvent reprogrammés traitent de la colonisation, de la lutte pour l’indépendance et de la guerre d’Algérie. A l’exception de Prends dix-mille balles et tire-toi (tableau 2), les films qui abordent les problèmes contemporains (par exemple la comédie Omar Gatlato de Merzouak Allouache ou encore Mektoub ou Ali au pays des mirages, deux films qui évoquent les difficultés des travailleurs immigrés) attirent un public nettement moins nombreux que les films liés à la guerre d’Algérie.

I. Films les plus souvent projetés au Louxor

Affiches : site encyclocine.com

Affiches : site encyclocine.com

(cliquez sur le tableau pour l’agrandir)

Films projetés à 4 reprises au moins

Films projetés à 4 reprises au moins

II. Films projetés au moins deux fois

Affiche encyclocine.com

Il était rarissime au Louxor qu’un film y soit projeté une semaine après sa sortie : ce fut pourtant le cas de Prends dix mille balles et casse-toi de Mahmoud Zemmouri, qui sera maintenu à l’affiche deux semaines d’affilée à partir du mars 1982. Comme en témoigne le nombre d’entrées, ce récit d’un « choc des cultures » traité sur le mode humoristique (Prix de la critique au Festival international du film d’humour de Chamrousse) a su trouver son public : une famille algérienne  accepte l’aide au retour de 10 000 francs offerte  par le gouvernement français aux immigrés qui souhaitent  rentrer au pays. Mais les enfants, adolescents nés en France, vont avoir quelques difficultés d’adaptation…

Films projetés au moins deux fois

Films projetés au moins deux fois

III. Une seule projection.

Une seule projection

Une seule projection

Enfin, en 1982 (27 octobre-2 novembre, 3960 entrées), plus inattendu après les productions précédemment citées, le film d’Alexandre Arcady, Le Coup de Sirocco avec Roger Hanin, Marthe Villalonga, Michel Auclair, Patrick Bruel, présente l’arrivée en France de la famille Narboni, rapatriée d’Algérie en 1962.

Annie Musitelli ©Les Amis du Louxor

Source :  Officiel des spectacles (BNF) ; CNC, direction du cinéma, service du contrôle des résultats d’exploitation.

Notes

1- Le Louxor atteint son plus bas niveau de fréquentation en 1966 avec 153 054 entrées.
2- 453 560 spectateurs en 1968. 303 700 entrées en 1979 ; 274 750 en 1982 ; 195 580 du 1er janvier au 29 novembre 1983 (date de la fermeture de la salle).

 

 

Mardi 12 avril 2016 : projection du film « La Bataille d’Alger »

Séance organisée par l’A.P.A.H.S. (Association pour les activités autour de l’histoire à Sciences Po)

Mardi 12 avril 2016, le film de Gillo Pontecorvo, La Bataille d’Alger, Lion d’Or de la Mostra de Venise en 1966, retrouvait le Louxor où il fut projeté à maintes reprises entre 1973 et 1983. La projection était suivie d’une discussion avec l’historien Elie Tenenbaum, chercheur au Centre des études de sécurité de l’IFRI, qui apporta un éclairage précieux sur le contexte historique.

Affiche site encyclocine.com

Affiche : site encyclocine.com

D’abord interdit en France, le film n’obtient son visa d’exploitation qu’en 1971. Mais à la suite de graves incidents (dont l’attaque du cinéma Saint-Séverin à Paris), il est retiré des écrans. Il refait surface lorsqu’il est projeté le 20 octobre 2003 sur la chaine Public Sénat puis ressort en salles en juin 2004 (1).
Pourtant, le film n’avait pas disparu totalement des écrans français. Il attira même les foules au Louxor en 1973 (14 800 spectateurs la première semaine) et continuera de le faire pendant les années suivantes. Jean-Pierre Leroux, qui avait assisté à l’une des projections de 1973 et dont nous avions publié le témoignage sur notre site, était présent mardi 12 avril. Il évoqua l’atmosphère passionnée qui régnait alors dans la salle dont l’assistance était essentiellement composée de spectateurs d’origine algérienne.

Le film s’inscrivait dans la nouvelle stratégie de programmation du Louxor qui, à partir de l’été 1967, baisse ses prix (2) et abandonne la programmation classique de Pathé pour renouveler son public en s’adressant désormais en priorité aux très nombreux immigrés installés à Barbès ou qui fréquentent le quartier. Ultime effort d’une salle de quartier mono écran pour survivre encore quelques années face à la baisse de fréquentation qui la menace (3).
Pari réussi puisque la fréquentation se redresse de manière spectaculaire (4) — pour quelques années du moins, avant que le nombre de spectateurs ne reparte à la baisse (5) jusqu’à la fermeture du Louxor le 30 novembre 1983.
En raison de son succès spectaculaire, La Bataille d’Alger reste deux semaines à l’affiche et sera programmé à plusieurs reprises.

Toujours en 1973, suivront Décembre, de Mohamed Lakdar Hamina, programmé deux fois cette même année, en juin et en décembre, et La Guerre d’Algérie, le documentaire d’Yves Courrière et Philippe Monnier.

Les années suivantes confirmeront la place de l’Algérie dans la programmation du Louxor.

©Les Amis du Louxor

Source :  Officiel des spectacles (BNF) ; CNC, direction du cinéma, service du contrôle des résultats d’exploitation.

Notes

1- On peut consulter notamment le dossier pédagogique Décolonisation, le cinéma face à la censure, réalisé pour le Festival international du film d’histoire de Pessac 2010, qui comporte de nombreuses références à des articles ou ouvrages sur le sujet.

2-Pendant l’été 1967, le prix des places passe de 5,30 et 6,30 francs à 2 francs (prix unique).

3- Le Louxor atteint son plus bas niveau de fréquentation en 1966 avec 153 054 entrées.

4- 453 560 spectateurs en 1968.

5- 303 700 entrées en 1979 ; 313 600 en 1980 ; 307 600 en 1981 ; 274 750 en 1982 ; 195 580 du 1er janvier au 29 novembre 1983 (date de la dernière séance).

 

Farid El Atrache retrouve l’écran du Louxor

15 janvier 2016 : « Nuit égyptienne »

Le 9 novembre 1982, Francis Lacloche, fondateur de l’association Eldorado qui a mené, au début des années 80, une action énergique en faveur des salles de cinéma menacées de disparition, lançait dans Libération un appel à la mobilisation :
« La noble maison Pathé, qui fatigue un peu, ne sait pas très bien comment assumer Farid el Atrache et ses copains. Un tel lieu, ça vous défigure une maison respectable. Alors Pathé rêve de liquider le Louxor. Pas de chance, la façade est classée, sur l’initiative de quelques nostalgiques insolents. Alors Pathé pense en faire un supermarché ou un centre commercial, façade égyptienne incluse. Des autorisations de percements de portes supplémentaires ont été récemment obtenues. Spectateurs du Louxor ne vous laissez pas reprendre Farid et Oum ! Donnez votre fric à Pathé : tant de sentiments les feront peut-être fléchir ! »
Mais, on le sait, l’affaire était réglée. Exit Farid El Atrache et Oum Kalthoum. Par quel miracle le Louxor aurait-il échappé au sort des salles de quartier qui fermaient les unes après les autres ? Lui aussi, vendu à Tati, ferma le 30 novembre 1983. Mais on connait la suite … (voir la chronologie et la page Historique). Non seulement le cinéma est de retour au Louxor mais son directeur, Emmanuel Papillon, dose habilement dernières sorties (l’essentiel de la programmation) et films du patrimoine, français et étrangers. C’est ainsi que le 15 janvier 2016, Farid El Atrache, qui fut dès les années 30 une des stars de la chanson et du cinéma égyptien, retrouve l’écran du Louxor à l’occasion de la « Nuit égyptienne ».

NuitEgypteOKI

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Le cinéma muet est de retour sur l’écran du Louxor…

Affluence des grands jours pour le premier Ciné Concert

Dimanche 15 mars 2015 à 11 heures, dans la salle Youssef Chahine pleine à craquer, grands et petits étaient venus retrouver ce qui fit autrefois les beaux jours du Louxor : le cinéma muet. Et ils le redécouvraient, qui plus est, projeté sur l’écran « historique » de 1921, habituellement dissimulé derrière le grand écran escamotable.

15 mars 2015 - Avant la séance

L’écran historique du Louxor, 15 mars 2015, avant la séance

Serge Bromberg et Emmanuel Papillon, 15 mars 2015

Serge Bromberg et Emmanuel Papillon, 15 mars 2015

Mais loin d’être gêné, ou dérouté, par ce « petit » écran de 6 mètres de large sur 4,50 de haut, le spectateur de 2015 a l’impression d’entrer dans l’image avec la même facilité que lors de projections classiques. En effet, comme l’a rappelé Emmanuel Papillon, les films muets étaient tournés en format d’image 4:3, proportions exactes de l’écran « historique » du Louxor, donc parfait pour la projection de films muets. Nous retrouvons ainsi, a-t-il ajouté, le véritable « angle de vision de nos ancêtres ».

Pendant la projection de l’Émigrant de Charlie Chaplin

Pendant la projection de L’Émigrant de Charlie Chaplin

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Le Louxor pendant l’Occupation. Les films projetés entre 1940 et 1944

Pendant que la guerre ensanglante l’Europe et que la France est occupée par les troupes du IIIe Reich, le spectacle continue. Les salles de cinéma et de théâtre sont pleines, de nouveaux films sortent ; quotidiens et revues se font l’écho de premières, de mondanités diverses, de galas, où se bousculent officiels (civils et militaires) et vedettes du spectacle. Pendant ces années d’Occupation, le Louxor, comme les autres cinémas parisiens, a poursuivi son activité. Mais quels films voyait-on ?

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L’orgue de cinéma : du Louxor au Gaumont-Palace

Conférence du 18 octobre 2011, Mairie du Xe arrondissement

Le sujet de l’orgue disparu du Louxor a déjà été abordé dans un précédent article  : « Les orgues Abbey, une histoire de famille ». Nous parlerons ici surtout de l’orgue de cinéma en général, et de celui du Gaumont-Palace en particulier.

 Tommy Desserre à la console de l'orgue du Gaumont

Tommy Desserre à la console de l’orgue du Gaumont en 1971

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