Ce site est le résultat des recherches menées par des membres de l’association (Jean-Marcel Humbert, Nicole Jacques-Lefèvre, Annie Musitelli, Michèle Alfonsi, Marie-France Auzépy) sur l’histoire du Louxor et de sa programmation. Par ailleurs, nous avons suivi, grâce aux visites de chantier sous la conduite des architectes Philippe Pumain et Christian Laporte, et aux rencontres avec les divers intervenants (restaurateurs et décorateurs, acousticien, scénographe, mosaïstes), toutes les étapes de la réhabilitation du bâtiment, depuis la présentation du projet par l’architecte Philippe Pumain en novembre 2008 jusqu’à l’inauguration du 17 avril 2013 (rubrique Le chantier du Louxor). Ce site constitue donc une base de données documentaire sur ce cinéma historique et son sauvetage. Depuis l’ouverture de la salle, les Amis du Louxor continuent à l’enrichir pour mieux faire connaître un lieu qui est à la fois un des plus beaux exemples de l’égyptomanie en France et un cinéma Art et Essai dynamique, ancré dans son quartier.
Un ouvrage collectif, Le Louxor-Palais du cinéma, par les Amis du Louxor et l’architecte Philippe Pumain, a été publié en juin 2013 par les éditions AAM (photo ci-contre).
Deux brochures réalisées par les Amis du Louxor (« Le Louxor-Palais du Cinéma » et « Le Louxor a 100 ans », éditée à l’occasion du centenaire du cinéma le 6 octobre 2021) sont également en vente à la caisse du Louxor.
Décès de Jeannine Christophe, présidente de l’association Histoire et Vies du 10e
Jeannine Christophe vient de nous quitter le 24 janvier 2025 à l’âge de 92 ans
Jeannine en était fière, et elle aimait à le répéter : c’est elle, au nom de l’association Histoire et Vies du 10e, qui avait déposé dès le 21 février 2000 un vœu lors du conseil d’arrondissement afin d’alerter l’attention des élus sur l’état d’abandon du Louxor. Il faut dire que le Louxor l’avait toujours fascinée, essentiellement en raison de ses mosaïques, car en tant qu’historienne et archéologue au sein du CNRS, elle était spécialiste de cette technique. Elle a publié de nombreux articles dans ce domaine, et participé également à des ouvrages collectifs (1). Après des études au collège protestant français de Beyrouth, elle avait en effet poursuivi des études supérieures d’histoire à Paris I – Panthéon Sorbonne, qui lui avaient permis d’acquérir la méthodologie indispensable, qu’elle mit par la suite au service de l’association d’histoire du 10e (HV10) qu’elle crée en 1999, et dont elle est longtemps la présidente (1999-2014) avant d’en devenir la présidente d’honneur tout en en animant le site Internet.

Jeannine Christophe à l’occasion du vernissage de l’exposition «Une traversée historique du 10e», 17 septembre 2010.
Sous sa direction, l’association devient très active, elle-même écrit des articles, recherche des documents, des illustrations, donne des conférences, organise des expositions, bref HV10 devient l’une des associations historiques parisiennes qui comptent. C’est ainsi qu’elle avait organisé en 2010 à la mairie l’exposition « Une traversée historique du 10e arrondissement », où le Louxor était bien évidemment présent. C’est d’ailleurs au Louxor qu’on la voyait souvent, puisqu’elle représentait HV10 au sein de notre association des Amis. Non seulement elle était d’une érudition sans failles dans un grand nombre de domaines, mais était toujours disponible pour répondre avec la plus grande gentillesse à tous les solliciteurs qui venaient lui soumettre des questions historiques. Car elle avait aussi une impressionnante collection de cartes postales (et de beaucoup d’autres documents) concernant l’histoire de ce Xe arrondissement qu’elle aimait tant, berceau de sa famille où elle était revenue s’établir en 1987. Nous perdons aujourd’hui l’une de celles qui ont le plus contribué à établir son histoire. Dans un article publié le 9 mai 2019 dans le Journal du Village Saint-Martin elle affirmait encore une fois sa conviction que « veiller à la sauvegarde du patrimoine » était « un moyen d’agir pour que la mémoire du 10e arrondissement ne tombe jamais dans l’oubli, une façon aussi d’écrire l’avenir ».
Jeannine Christophe était Chevalier de l’ordre national du Mérite.
Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille et à tous ses amis d’Histoires et Vies du 10e.
Jean-Marcel Humbert, président des Amis du Louxor
Note
(1) Parmi lesquels « Nouvelles mosaïques de Vienne (Isère) », dans Gallia, 1967, 25-1, p. 87-109. Et Le décor géométrique de la mosaïque romaine. I, Répertoire graphique et descriptif des compositions linéaires et isotropes, par Catherine Balmelle, Michèle Blanchart-Lemée, Jeannine Christophe… [et al.] – dessins de Richard Prudhomme, t. I et II, première édition Paris, Picard, 2002, bientôt suivie d’une seconde édition.
« Antiquité et Cinéma » à la Fondation Pathé
L’Antiquité a inspiré nombre de créations cinématographiques très diverses, de l’époque du cinéma muet jusqu’au XXIe siècle. L’exposition « Antiquité et Cinéma » présentée actuellement à la Fondation Pathé se propose d’explorer cet univers, et met ainsi en valeur les immenses ressources de son propre fonds d’archives mais aussi des œuvres provenant d’autres collections, françaises ou étrangères.
Puisque nous sommes sur le site des Amis du Louxor, rappelons que le péplum, divertissement familial par excellence, fut un genre très populaire au Louxor avant sa fermeture par Pathé en novembre 1983, faisant salle comble alors que la programmation « classique » ne parvenait plus à attirer le public de Barbès. Mais si le péplum connaît son apogée de 1947 à 1965, il est surtout programmé au Louxor après 1960, dans l’espoir de redresser la fréquentation et sauver cette salle de quartier menacée de fermeture. Les péplums, au côté des films d’action, des westerns italiens et des films dit « exotiques » permettront au Louxor de survivre encore quelques années.
L’exposition présentée à la Fondation Pathé ne se contente pas d’évoquer l’émergence du péplum et l’âge d’or des studios hollywoodiens ou italiens dont les héros et héroïnes — Cléopâtre, Spartacus, Samson et Dalila, Hercule, Néron, Néfertiti — ont fait rêver des milliers de spectateurs de tous âges. Elle rappelle aussi l’éclipse totale du péplum à partir de 1965 puis sa résurrection récente, sous des formes parfois inattendues — blockbusters à l’américaine (Gladiator, Troie) ou film au ton loufoque ou parodique (les Monty Python avec leur Vie de Brian ou le long métrage français Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre).
Le visiteur est accueilli par un char romain, utilisé pendant le tournage de Ben Hur (1959), se détachant sur fond d’une magnifique affiche du film de William Wyler.
Liste des péplums programmés au Louxor de 1950 à 1983
Jusqu’à la fin des années 1960, les péplums (à l’honneur du 12 décembre 2024 au 29 mars 2025 dans l’exposition « Antiquité et cinéma » à la Fondation Pathé ) ne représentent qu’une très faible part de la programmation grand public du Louxor, salle du circuit Pathé. Mais à partir de 1967-68, face à la baisse de fréquentation qui met le cinéma en péril, l’exploitant du Louxor cible un nouveau public, celui des travailleurs immigrés qui fréquentent le quartier Barbès ou y vivent. Beaucoup sont des hommes seuls et le cinéma représente un lieu de rencontre et de convivialité. D’autres y viennent en famille pour voir des films grand public. C’est à ces nouveaux spectateurs que s’adresse la nouvelle programmation, dont Pathé se désengage : westerns italiens, films de guerre, mais aussi péplums (surtout italiens ou franco-italiens) vont faire salle comble (jusqu’à 10 000 spectateurs certaines semaines). Certains de ces péplums italiens reviennent régulièrement à l’affiche. Les chiffres de fréquentation étonnants, provenant des tableaux du CNC, sont donc fiables et s’expliquent aussi en partie par le nombre de séances : une moyenne de 35 séances hebdomadaires dans un cinéma permanent de 12h (ou 14h) à 24h.
Même s’ils sont minoritaires par rapport aux westerns italiens, les péplums sont nombreux de 1970 à 1979 puis leur part diminue et ils finissent par être noyés dans la masse des films égyptiens, puis indiens qui constituent la spécificité du Louxor.
On observe que la nature et la qualité de ces péplums changent au fil des décennies. Aux péplums classiques de l’âge d’or — Les derniers jours de Pompéi de Marcel L’Herbier, Samson et Dalila de Cecil B. DeMille, Ulysse de Mario Camerini, La Bible de John Huston ou Cléopâtre de Joseph Mankiewicz—, s’ajoute un nombre croissant des films réalisés à la chaine à Cinecittà et dont les vedettes ne sont plus Kirk Douglas, Charton Heston ou Yul Brenner mais des acteurs de moindre envergure, recrutés avant tout pour leur passé de culturiste et leur musculature impressionnante. Ce sera l’ère des Steve Reeves, Richard Harrison, Reg Park, Gordon Scott, Kirk Morris, Gordon Mitchell, la liste est longue. A l’exception de Steve Reeves (Mr Univers 1950) qui tourna dans des films devenus des classiques du genre comme Les Travaux d’Hercule ou Hercule et la reine de Lydie de Pietro Francisi, ou encore La Bataille de Marathon de Jacques Tourneur, les autres se retrouvent dans nombre de productions de type Maciste (Maciste en enfer / à la cour du Tzar / contre les géants / contre le cyclope, ou dans les mines du roi Salomon, etc.).
Enfin, les derniers péplums programmés au Louxor, entre août 1978 et 1983 (année de la fermeture de la salle par Pathé) sont des films égyptiens et libanais relatant l’épopée du valeureux Antar. Peu nombreux, ils reviennent plusieurs fois à l’affiche, comme les deux films de Niazi Mostafa, Antar le valeureux (1961), programmé ainsi 5 fois ou Antar et la conquête du désert (1969) 3 fois pendant cette période.
La liste qui suit donne une idée de l’évolution de la programmation. Pour en savoir davantage sur le péplum et son histoire, on trouvera en note une brève bibliographie d’ouvrages d’historiens du cinéma.
Sources : Officiel des spectacles, CNC, IMDB et autres sites spécialisés.
Entre parenthèses : nombre de spectateurs par semaine(chiffres CNC).
Le jour indiqué indique le début de la semaine (les films changent chaque semaine).
MarieNelly-Streetart et égyptomanie au Louxor
Passant devant le Louxor et levant une fois de plus la tête pour admirer cette architecture dont on ne se lasse pas, je remarque des intrus qui se sont invités depuis quelque temps, mais certainement récemment vu leur bon état : des figures égyptiennes au pochoir (une croix ansée, un des cartouches de la titulature royale de Toutankhamon, et un œil oudjat) et deux momies dans des positions acrobatiques au-dessus de la plaque de rue du boulevard de La Chapelle, à l’angle avec le boulevard de Magenta. Ces deux momies, l’une en bandelettes blanches, l’autre en bandelettes bleues et or, effectuent des figures de gymnastique qui sont la marque de fabrique de l’artiste qui signe ses œuvres « MARIENELLY-STREETART ».
Bonne année 2025
La brasserie Dupont-Barbès I. Des origines aux transformations
« Chez Dupont tout est bon… »
Heurs et malheurs du plus célèbre café de Barbès.
Nous avions publié en 2012 un article, « Mémoire des cafés de Barbès ». Il y était, entre autres, question du plus célèbre d’entre eux, le Dupont-Barbès. Mais l’apport de nouveaux documents nous a conduits à consacrer à cette ancienne brasserie un article à part entière en quatre parties : I. Des origines aux transformations. II : La vie de la brasserie. III : anecdotes quotidiennes et cinéma. Le quatrième article est consacré à la fresque de Leonetto Cappiello.
En effet, grâce à une exceptionnelle série de photos de l’album privé Bouvard-Marcellin, série aimablement communiquée par Marie Noëlle Prual, à laquelle nous sommes très reconnaissants, à la générosité de Marie Laure Soulié-Cappiello, qui a bien voulu m’ouvrir ses archives, et à de nouvelles investigations, pour lesquelles Jean-Marcel Humbert, que je remercie chaleureusement, m’a accompagnée, nous sommes aujourd’hui en mesure de compléter l’historique de cette brasserie.
A – Les origines : de L’Assommoir au Dupont-Barbès.
Au croisement du boulevard de Rochechouart et de ce qui était encore, avant de devenir le boulevard Barbès, la continuation de la rue des Poissonniers, Émile Zola, en 1876, avait situé le bistrot du père Colombe dans L’Assommoir :
« L’enseigne portait, en longues lettres bleues, le seul mot : Distillation, d’un bout à l’autre. […] Le comptoir énorme, avec ses files de verres, sa fontaine et ses mesures d’étain, s’allongeait à gauche en entrant ; et la vaste salle, tout autour, était ornée de gros tonneaux peints en jaune clair, miroitants de vernis, dont les cercles et les cannelles de cuivre luisaient. Plus haut, sur des étagères, de bouteilles de liqueur, des bocaux de fruits, toutes sortes de fioles en bon ordre, cachaient les murs, reflétaient dans la glace, derrière le comptoir, leurs taches vives, vert pomme, or pâle, laque tendre. Mais la curiosité de la maison était, au fond, de l’autre côté d’une barrière de chêne, dans une cour vitrée, l’appareil à distiller que les consommateurs voyaient fonctionner, des alambics aux longs cols, des serpentins descendant sous terre, une cuisine du diable devant laquelle venaient rêver les ouvriers soûlards »1.
C’est de ce côté impair du boulevard Barbès qu’en 1908 l’annuaire Didot Bottin enregistre un « Crouzet Pierre, limonadier », qui occupait déjà l’angle des boulevards Barbès et Rochechouart. On peut lire le nom de Crouzet sur une carte postale :
Dupont-Barbès II. La vie de la brasserie
« Chez Dupont tout est bon ».
Heurs et malheurs du plus célèbre café de Barbès
L’article sur la brasserie Dupont-Barbès est scindé en quatre parties : I. Des origines aux transformations II. La vie de la brasserie III. Anecdotes quotidiennes et cinéma IV. La fresque de Cappiello
A – Dupont-Barbès entre 1925 et 1929.
Les photos que la générosité de Marie Noëlle Prual nous permet de publier présentent un intérêt exceptionnel quant à la vie de la brasserie. Certaines des personnes représentées sont certainement des clients du Louxor, et en tout cas l’ensemble en constitue un bon échantillonnage car la clientèle de ce type de brasserie était la même que celle des cinémas de quartier. Il nous est possible de les dater, au moins approximativement : Albert Marcellin, premier propriétaire de ces photos, était embauché en 1925 comme garçon restaurateur à la brasserie et y resta jusqu’en 1929. Elles ont sans doute été prises à divers moments, peut-être à des heures ou des jours différents, avec des fréquentations variées, et selon divers angles – autour du comptoir ou dans la salle. Les guirlandes et les panneaux laissent penser qu’elles ont été prises lors des fêtes de fin d’année :
On remarque l’importance de la lumière et des miroirs, mais aussi la diversité des coiffures et des vêtements des clients – et l’importance des moustaches ! – signalant une fréquentation variée, et que tous, clients et serveurs, prennent la pose, sans doute devant l’appareil d’un photographe professionnel :